« La liberté de parole et la priorité à l’intérêt général font la force du Cercle CREDO »

Emmanuel LADERRIERE, Chargé de projet national Très Haut Débit, Enedis

Depuis le 1er janvier 2022, Emmanuel LADERRIERE est chargé de projet national Très Haut Débit pour Enedis, rattaché aux fonctions centrales de l’entreprise. Sa mission consiste à qualifier les conditions techniques et règlementaires suivant lesquelles les opérateurs télécoms, en charge des infrastructures numériques THD, peuvent utiliser les structures existantes du réseau public de distribution d’électricité pour déployer la fibre optique en France. « La mutualisation des appuis communs est un atout pour les opérateurs, souligne Emmanuel LADERRIERE, qui maîtrisent mieux ainsi les délais et coûts inhérents au déploiement de l’infrastructure numérique. »

Les dispositions conventionnées entre Enedis et les opérateurs permettent de garantir un accès identique et équitable aux ouvrages électriques, tout en préservant 3 fondamentaux : garantir la sécurité de tous les intervenants (télécom ou Enedis) sur les appuis communs du réseau public de distribution d’électricité, assurer la pérennité des ouvrages électriques mobilisés, et attester la neutralité économique du déploiement de la fibre sur les ouvrages électriques pour les usagers.

Depuis quand en êtes-vous membre du Cercle CREDO, de quelle manière participez-vous à ses activités et évènements ?

Enedis est membre du Cercle CREDO depuis 2018. Nous participons à la vie de l’association en prenant part aux différentes conférences et manifestations que l’association organise pour ses membres.
Ainsi, à l’invitation de l’association, nous sommes intervenus fin 2023 au rendez-vous de la fibre sur la réussite de la résilience des réseaux FttH. Ce fut particulièrement intéressant pour nous car cette thématique est au cœur de nos préoccupations. En tant que gestionnaire du plus grand réseau de distribution d’électricité d’Europe, les politiques d’investissements en matière de résilience reposent sur de multiples facteurs. L’observation des modèles climatiques mais aussi la résistance des matériaux notamment aux aléas climatiques, l’émergence de technologies nouvelles, la nature de l’infrastructure en tant que telle (la fibre est moins sensible aux inondations par exemple que le réseau électrique), le maillage du réseau, etc.
Les ingénieries aériennes sont strictes, toujours réglementées et conçues avec un souci de robustesse en vue de résister à des conditions climatiques extrêmes. C’est pourquoi, quand il y a défaillance, c’est le plus souvent dû à des chutes d’arbre, des incendies, des mouvements de terrain ou d’élagages pas ou mal réalisés, en particulier par les propriétaires privés.
Par ailleurs, Enedis bénéficie d’un modèle national / local qui lui permet de tirer bénéfice de cette situation en matière d’analyse et d’arbitrage, ce qui semble, de mon point de vue, plus compliqué pour la fibre optique dont l’organisation, plus décentralisée, repose sur des investisseurs très différents selon les territoires (privé-public), avec des moyens et des enjeux qui leur sont propres. De ce fait je pense que les gestionnaires d’infrastructures numériques vont donc devoir réaliser, chacun pour leur territoire, un diagnostic pour pouvoir construire une vision prospective et stratégique en matière de résilience, corrélée aux moyens financiers dont elle pourra disposer pour mener à bien les objectifs prédéfinis.

Qu’appréciez-vous en particulier au Cercle CREDO ? Qu’est-ce qui le distingue selon vous de ses homologues de l’écosystème des réseaux télécoms ? 

J’apprécie le professionnalisme de ceux qui interviennent dans l’association, leur niveau de compétences et leur capacité à vulgariser les sujets. Même si les sujets abordés sont relativement vastes et ne concernent pas les activités d’Enedis, ils me permettent d’avoir une approche relativement large des enjeux du déploiement de la fibre optique et de nourrir mon acculturation. Cela m’a amené, à plusieurs occasions, à comprendre pourquoi les problématiques du réseau fibre ne s’interfaçaient pas toujours avec celles du réseau électrique.
La diversité des acteurs et intervenants au sein du Cercle CREDO est également un aspect très intéressant au regard de la construction d’un réseau. Le fait que toute la chaîne y soit représentée me permet d’être en lien avec l’ensemble des acteurs de la fibre et, pour Enedis, de faire passer ses messages sur la sécurité et la mutualisation des appuis communs, en particulier.
J’apprécie également cette forme particulière de liberté de parole et d’indépendance qui transparaissent dans les débats, actions et publications. On sent que c’est l’intérêt général, et plus précisément l’intérêt client, pour l’amélioration de la technique ou du service, qui priment dans les travaux que le Cercle CREDO mène à bien avec ses membres.

Quelles raisons vous ont poussé à rejoindre le Cercle CREDO ? Pourquoi est-ce important pour Enedis d’échanger avec les acteurs de la fibre ?

Dans le cadre de la mutualisation des appuis du réseau public de distribution d’électricité pour le déploiement de la fibre, il était indispensable pour Enedis de s’intégrer à l’écosystème de la fibre optique, très éloigné de son cœur de métier et de sa mission de service public. D’une part, pour en maîtriser les aspects techniques et les spécificités, d’autre part, pour rencontrer et échanger avec les acteurs de la fibre. Le Cercle CREDO nous donne ces opportunités : accéder à une expertise et des connaissances techniques, et échanger nos points de vue et expériences avec les autres membres.
Notre adhésion à l’association est un bon moyen de partager et d’expliquer nos missions, nos obligations contractuelles vis-à-vis des autorités concédantes pour lesquelles nous exploitons, en tant que concessionnaire, le réseau public de distribution d’électricité. En outre, parce que le dispositif conventionné mis en place confronte deux mondes aux pratiques et modes de fonctionnement très différents, le fait de rejoindre le Cercle CREDO nous a permis de clarifier nos attentes, en particulier sur la manière de réaliser des études de calcul de charges pour vérifier la bonne tenue mécanique des ouvrages mutualisés. C’est ainsi que nous avons pu construire une formation labellisée (Label LEINA) qui garantit des études de qualité. Cette labellisation est un gage de fluidité et de rapidité dans la délivrance des autorisations pour l’utilisation des appuis communs du réseau de distribution d’électricité.
En outre, l’appartenance au Cercle CREDO constitue pour Enedis un relais très utile pour porter les messages sur la sécurité directement auprès des acteurs de la filière THD. En effet nous avons l’obligation d’accompagner et de sensibiliser les opérateurs télécoms en amont de leurs travaux en leur rappelant plusieurs points essentiels : d’une part que l’accès au réseau public de distribution d’électricité pour les travaux de déploiement du réseau fibre optique n’est pas sans danger, d’autre part que cela nécessite de savoir appréhender le risque électrique et d’avoir une habilitation spécifique pour préserver la sécurité des intervenants.

En 2023, le Cercle CREDO avec l’Avicca et Innovance ont lancé le label AQPF pour labelliser les entreprises qui auditent les réseaux FttH. Que pensez-vous de cette initiative ?

Cette labellisation AQPF est d’une grande utilité car elle répond à une logique de contrôle de la qualité de l’infrastructure déployée avec deux objectifs : la qualité du service rendu au client et la sécurité des interventions futures sur les infrastructures THD.
En mettant à disposition les appuis communs du réseau public de distribution d’électricité, Enedis a pu constater que le déploiement de la fibre optique, sans respect du prescrit technique, pouvait générer pour les ouvrages électriques des situations de deux natures. Soit une installation fibre concourant à exposer au risque électrique les intervenants télécoms pour les opérations futures de maintenance et d’entretien télécom. Soit une installation fibre concourant à complexifier les opérations de maintenance et d’entretien du réseau public de distribution d’électricité et nécessitant de mobiliser des moyens et compétences supplémentaires. Cette installation pourrait également contraindre Enedis à prendre des dispositions pouvant affecter la continuité du service fibre pour préserver la continuité d’alimentation des clients au réseau de distribution, pour lesquels l’infrastructure électrique a été construite.
Pour nous prémunir de ces situations, nous procédons à des contrôles de la qualité du déploiement sur près de 4 millions de supports aériens basse tension pour demander aux opérateurs télécom de régulariser les situations d’écarts observées. Les contrôles menés par d’autres organismes, tels que l’audit qualité pérennité proposé par la labellisation AQPF, peuvent contribuer à faciliter et accélérer les campagnes de contrôles.

Quels sont les axes de développement du réseau public de distribution d’électricité sur lesquels vous menez des travaux et des réflexions ?

Enedis développe, exploite et modernise le réseau public de distribution d’électricité sur 95% du territoire en France, c’est l’un des premiers investisseurs dans les territoires (en moyenne entre 4 et 5 milliards € par an sur le réseau) avec 3 typologies d’investissement :

  • Les raccordements au réseau : réaliser ceux-ci en basse tension ou moyenne tension (selon le niveau de puissance demandé par le client).
  • Le renforcement du réseau : adapter celui-ci à l’évolution progressive des charges existantes.
  • Le renouvellement du réseau : mettre en œuvre des programmes de modernisation et de résilience définis dans des stratégies nationales d’investissement et cibler les ouvrages à traiter en priorité.

Le raccordement est réalisé au rythme de l’évolution de la demande externe, tandis que le renforcement et le renouvellement sont optimisés par Enedis en tant que gestionnaire de réseau au service de la collectivité. Pour la programmation de nos investissements de long terme, nous intégrons un scénario de référence des raccordements qui prévoit : d’une part, une stabilité du nombre de nouveaux raccordements de consommateurs/an ; d’autre part, un fort développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE) ainsi que des installations de production d’énergie renouvelable (EnR).

Par ces investissements, et conformément aux dispositions conventionnées pour le déploiement de la fibre optique sur les réseaux de distribution d’électricité, les opérateurs peuvent bénéficier de nouvelles infrastructures et de possibilités de coordinations pour l’installation de la fibre dans les territoires.


Pour compléter ce témoignage lire l’article Nouvelle France électrique à horizon 2027 et 2032 : Enedis publie le document préliminaire à un futur Plan de développement de réseau de distribution d’électricité