Association interprofessionnelle fondée en 1993, le CREDO, Cercle de Réflexion et d’Etude pour le Développement de l’Optique, regroupe et fédère l’ensemble des métiers et expertises de la technologie fibre optique, des réseaux à Très Haut Débit et des usages du numérique. Son expertise technique est reconnue dans plusieurs instances partenaires (ARCEP, INFRANUM, Objectif Fibre, LEINA, FTTH Council Europe).

Fort de ce savoir-faire, le comité opérationnel du CREDO a analysé avec un grand intérêt la consultation publique de l’Arcep lancée à la suite de la communication du plan de fermeture du réseau de boucle locale cuivre d’Orange.

Notre association souhaite porter à la connaissance de l’Autorité ses remarques ou compléments sur cette consultation. Nous avons focalisé nos apports sur les aspects techniques de la transition cuivre-fibre et sur les éléments de perspective de la fermeture de la boucle locale cuivre.

Comme tous les acteurs de la filière, nous sommes convaincus de la nécessité de fermer en bon ordre la boucle cuivre. Il n’en reste pas moins que c’est un défi technique de taille et un chantier de grande envergure, fondé sur un prérequis indispensable : tous les locaux, foyers et entreprises raccordés aujourd’hui au réseau cuivre devront être raccordables à la fibre optique. Le CREDO a identifié plusieurs questions (liste non exhaustive)

Est-ce que les réseaux FTTH seront suffisamment dimensionnés à terme ?

En effet, la crise sanitaire a montré l’appétence des usagers aux services numériques. Le télétravail, l’éducation, la santé, les services publics, sont devenus de plus en plus dépendants des technologies numériques. Si le réseau de transport semble suffisamment dimensionné et conçu pour évoluer et absorber les besoins croissants de connectivité et de bande passante, certains réseaux d’accès sous-dimensionnés seront à terme saturés. On a constaté avec le confinement que certains usagers prennent deux abonnements distincts (personnel et professionnels) ; or les nombres de prises des zones arrière ne reflètent pas cette tendance.

Faudra-t-il avoir recours à d’autres technologies en complément ?

La crise sanitaire a aussi mis en évidence des fractures numériques laissant certains citoyens complétement isolés. A ce jour, une part très importante des foyers sera éligibles à la fibre, mais les foyers restants constitueront les lignes les plus difficiles et les plus onéreuses à installer. La planification de la mise en place de technologies alternatives doit d’ores et déjà être étudiée, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue opérationnel et commercial (p.ex. quid si ces réseaux alternatifs ne sont pas exploités par l’opérateur en charge du service universel sur cette zone).

Est-ce que l’extinction du réseau cuivre aura un impact sur les lignes spécifiques ?

Ces dernières représentent 10% du parc de lignes cuivre et sont principalement utilisées dans les domaines de l’énergie, de l’environnement, du transport, de la défense, de la sécurité civile, que ce soit pour des besoins de télémesure, télé-relève, ou des besoins de sécurisation (télé-opération, télécommande, télémaintenance, télésurveillance, téléalarme). Une attention particulière doit être portée aux systèmes d’alarmes ou de téléassistance des personnes à domicile. Des impacts techniques sont à prévoir (pas de solution technique de remplacement, alimentation en énergie, impact sur le terminal utilisateur existant, défaut de fonctionnement lorsque l’application utilise un autre réseau THD, fonction de la Boucle Locale Cuivre non offerte sur les autres réseaux THD…), des impacts opérationnels liés à la mise en œuvre de la solution de remplacement, sans oublier les impacts économiques du déploiement de la solution technique alternative et du remplacement du parc de terminaux. Afin de minimiser ces impacts, le CREDO préconise de mettre en place sans tarder des expérimentations sur ces liaisons dites spécifiques .

Quel sera le devenir des infrastructures télécom ?

En 50 ans, ORANGE a déployé dans l’espace public plusieurs millions d’infrastructures : plus de 20 000 Nœuds de Raccordement d’Abonnés, 14 millions de poteaux, des centaines de milliers d’armoires de rue et de coffrets de sous-répartition, des millions de points de concentration. Comment traiter ces équipements qui seront devenus inutiles ? Cet aspect est peu traité dans le plan présenté, et mérite d’être détaillé

Quelle maintenance et quelle qualité sur le réseau cuivre jusqu’à l’extinction totale ?

Le nombre d’utilisateurs va rapidement se réduire, mais les coûts de maintenance ne vont pratiquement pas diminuer. Il se posera alors la question de la maintenance et de la qualité du réseau cuivre résiduel indépendamment des impacts financiers, de la qualité et des compétences techniques encore disponibles sur ce média, ainsi que des impacts pour les entreprises et les particuliers. Est-ce que la supervision du réseau cuivre (MAESTRO) sera toujours activée jusqu’en 2030 ? Ces aspects doivent aussi être intégrés et détaillés.

Quelle sécurisation de la fourniture des composants cuivre (câbles par exemple) jusqu’à l’extinction ?

Cette interrogation est liée aux aspects maintenance et est vitale pour le maintien en activité du réseau cuivre. Avec l’obsolescence des produits, et la diminution des besoins, il est indispensable d’anticiper et de provisionner suffisamment de composants pour éviter une rupture de service. Quelles sont les mesures prévues par Orange ?

Quelles mesures urgentes à mettre en place pour garantir la même qualité de service et la même pérennité que le réseau cuivre ?

Cette dernière interrogation est stratégique pour la réussite du plan. La pérennité des réseaux fibre optique est un sujet sur lequel le CREDO a commencé à alerter et continue de sensibiliser les acteurs depuis maintenant près de 3 ans. Comme le constat en a été fait par l’Arcep dans son dernier rapport d’activité sur les territoires connectés, la qualité de service des réseaux fibres n’est aujourd’hui pas au rendez-vous. A la vue des annonces presse, la situation semble même s’aggraver avec l’augmentation du nombre d’abonnés.

Contrairement au réseau cuivre déployé par un seul opérateur, maitre d’œuvre de la chaine complète de la vie du réseau (déploiement, mise en service, recette, exploitation, maintenance, maintien en condition opérationnelle), les réseaux fibres ont été déployés par de multiples opérateurs au sein d’un écosystème complexe et étendu (sous-traitance en cascade avec pour certains un manque de technicité sur ce nouveau média). Pour assurer le succès du basculement cuivre / fibre, il est urgent de passer de la parole aux actes.

Les campagnes d’audit ciblées sont une première approche, mais insuffisante, et leur délai de mise en place trop long. Le CREDO propose de les rendre systématiques afin d’avoir un référentiel qualité (indicateurs de performances)et utiliser des solutions d’automatisation des tests pour gagner du temps de mesure. Dans une deuxième phase, la mise en place d’une supervision globale de ces réseaux fibres serait un outil précieux pour la maintenance prédictive et curative de ces réseaux, comme cela existe aujourd’hui sur le réseau cuivre.

Après ces aspects de qualité de service, viennent s’ajouter les problèmes de performance qui vont avec le nombre croissant d’abonnés eux aussi augmenter considérablement. Le CREDO propose de lancer les études correspondantes sans tarder.


Le CREDO se tient à disposition de l’ARCEP pour échanger sur ces questions et les faire évoluer dans l’intérêt général.

Nota. Cette contribution est publique